HUIZONG

HUIZONG
HUIZONG

Huizong, le dernier empereur des Song du Nord, fut moins un souverain cultivant les arts qu’un artiste égaré sur un trône. Peintre et calligraphe de talent, bon poète, fervent amateur de musique, «doué pour toute chose sauf pour être empereur» (comme le disait un ministre à l’empereur Yuan Shundi pour modérer l’admiration que ce dernier éprouvait à l’endroit de Huizong), ses dons artistiques l’amenèrent à négliger les affaires de l’État au moment où l’Empire aurait eu le plus besoin d’être fermement mené par une intelligence politique: à l’extérieur, la menace tartare se faisait toujours plus pressante; à l’intérieur, la corruption, l’incurie et les stériles rivalités de factions sévissaient au sein du gouvernement. Cependant Huizong se nourrissait de lectures taoïstes, peignait et s’entretenait avec ses académiciens dans les jardins de rêve qu’il avait fait aménager en son palais. Le réveil fut tragique: en 1127, la capitale (Kaifeng) tombe aux mains des Tartares Jurchen, et Huizong est emmené en captivité. Dans la désolation de l’exil, il survivra huit années encore à l’effondrement de son règne. Malgré le désastre politique sur lequel il s’était achevé, ce règne – qui avait été relativement long (1101-1126) – a constitué, en particulier grâce à l’impulsion personnelle de Huizong, une étape brillante et raffinée dans l’histoire de la sensibilité et du goût en Chine.

Le mécénat de Huizong

La Chine a connu de nombreux empereurs qui étaient ou mécènes ou artistes, tout particulièrement durant la dynastie Song: Taizong, lui-même bon calligraphe, jeta les bases des collections artistiques de la dynastie: Zhenzong et surtout Renzong étaient des peintres de talent; Shenzong développa considérablement les collections impériales. Mais Huizong les surpassa tous par sa triple activité de collectionneur, d’animateur des arts et de peintre. Les collections antiques qu’il fit rassembler comptent parmi les plus riches et les plus remarquables qui furent jamais constituées en Chine. Comme presque toutes les grandes collections dynastiques, elles furent en grande partie dispersées et anéanties par les vicissitudes de l’histoire. Il en reste des catalogues qui tout en témoignant de leur splendeur fournissent encore d’utiles informations. Cette passion pour les antiquités reflétait de façon typique le goût de l’époque; l’âge Song, introverti et délicat, était déjà possédé d’une nostalgie du passé, dont l’emprise ne fera que s’accroître durant les périodes ultérieures.

Un autre aspect de l’activité de Huizong, et le plus important, est lié à cette Académie impériale de peinture qu’il organisa, développa et supervisa personnellement; par le truchement de cette institution, il orienta la peinture de son époque et exerça une influence qui survécut à son règne. Les dynasties précédentes avaient déjà pris l’habitude de s’attacher les meilleurs artistes en leur conférant quelque dignité officielle à la cour. À l’époque des Cinq Dynasties, le royaume des Tang méridionaux, à Nankin, et le royaume de Shu, à Chengdu, qui encourageaient particulièrement les arts et les lettres, avaient institué l’un et l’autre une véritable académie. Taizu, le fondateur de la dynastie Song, après avoir réunifié l’Empire, regroupa les peintres de ces deux royaumes en une nouvelle Académie impériale, calquée sur ces modèles précédents. Huizong enfin réorganisa l’Académie, la modifiant dans sa structure et dans son caractère, et lui donna sa forme définitive: au lieu de rassembler simplement un corps d’artisans d’élite affectés à la décoration du palais, elle acquit un statut intellectuel et devint un véritable centre de formation artistique, auquel on accédait par voie d’examens (personnellement présidés par Huizong), et qui se trouvait dédié à la défense et à l’illustration des conceptions esthétiques de l’empereur. La position des peintres-académiciens se trouva considérablement valorisée par l’attention spéciale que le souverain portait à leur activité. Ils bénéficiaient de conditions particulièrement favorables, travaillant dans le cadre de ces jardins paradisiaques, ornés de fleurs et d’oiseaux rares, que Huizong s’était fait établir (autre exemple de cette propension à l’évasion qui caractérisait l’époque); ils pouvaient consulter les œuvres des collections impériales et avaient le privilège de fréquenter constamment l’empereur.

Huizong, calligraphe et peintre

La façon vétilleuse dont Huizong régentait toute la vie de l’Académie aurait pu avoir des conséquences néfastes pour la création artistique, s’il n’avait été lui-même un peintre des plus compétents. Bien qu’il soit difficile aujourd’hui d’isoler avec certitude son œuvre personnelle de la production de l’Académie (chacune de ses peintures était copiée à des centaines d’exemplaires, et lui-même, en signe d’appréciation, apposait sa signature et son sceau sur les travaux académiciens dont il était le plus satisfait), il n’y a pas lieu de douter de la qualité éminente de son talent. Les éloges dithyrambiques qui lui furent prodigués de son vivant pourraient être sujets à caution; mais le jugement des critiques ultérieurs n’a jamais démenti l’admiration de ses contemporains. De plus, à défaut de peintures dont l’attribution soit indiscutable, il reste un certain nombre de ses calligraphies, qui attestent d’une vive sensibilité et d’une éblouissante maîtrise du pinceau. En calligraphie, il a créé un style – de caractère au fond très pictural –, qui manque peut-être de puissance et frise le maniérisme, mais n’en possède pas moins un rythme nerveux d’une fascinante originalité. Quant aux peintures qui lui sont couramment attribuées, elles permettent d’avoir une idée assez précise de son art, recoupant d’ailleurs tout ce que nous savons des conceptions esthétiques de Huizong, à partir des textes de l’époque.

Les caractères distinctifs de sa peinture – et de la production de l’Académie en général – sont une technique minutieuse mais souple, brillante mais sans virtuosité gratuite, un naturalisme analytique, une fidélité scrupuleuse dans le rendu des modèles. Huizong et ses académiciens pratiquaient principalement la peinture de fleurs, d’oiseaux et d’insectes, et les récits des historiens révèlent que l’empereur était particulièrement tatillon pour l’observation correcte des détails botaniques et zoologiques. Cette vérité rigoureuse des formes acquiert toutefois une curieuse irréalité par la perfection quasi immatérielle de l’exécution. À tout cela s’ajoutent le goût de l’anecdote familière, l’amour de la nature dont la candeur contraste avec l’élégance apprêtée du métier, une clarté de la présentation, l’organisation savante de l’espace, une grâce décorative qui ne va pas sans statisme ni sans une certaine déperdition de vitalité. Avec la stricte soumission qu’elle témoignait simultanément et à la réalité objective et aux règles académiques d’ordre abstrait, cette peinture prenait l’exact contre-pied de la spontanéité subjective et des épanchements individualistes qu’avaient manifestés un peu plus tôt les premiers grands représentants de l’art des lettrés (Su Dongpo, Mi Fu). S’appuyant sur le prestige de Huizong, la réaction conservatrice fut pour un temps prépondérante et continua à s’épanouir sous les Song du Sud, à l’académie de Hangzhou. Il ne faudrait cependant pas croire qu’il s’agissait uniquement là d’un art de cour artificiellement imposé par le souverain. Le mérite et la signification de l’œuvre de Huizong proviennent au contraire de ce qu’elle correspondait à certaines constantes profondes de la sensibilité chinoise et renouait avec une tradition – remarquablement illustrée dès les Cinq Dynasties par des artistes tels que Xu Xi et Huang Quan –, dont la valeur ne doit pas être sous-estimée au profit exclusif de la peinture des lettrés: la capacité de renouvellement et la diversité dont la peinture chinoise a témoigné tout au long de son histoire proviennent précisément de ce constant dialogue qu’elle a su maintenir entre des courants apparemment antinomiques.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Нужна курсовая?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Huizong — Saltar a navegación, búsqueda El emperador Huizong según una pintura coetánea. Huizong (chino: 徽宗, pinyin: Huīzōng, Wade Giles: Hui tsung; 2 de noviembre de 1082 – 4 de junio de 1135) fue el VIII em …   Wikipedia Español

  • Huizong — is the Chinese temple name of the following rulers:#Emperor Huizong (徽宗 Huīzōng) of the Song Dynasty, who reigned from 1100 to 1125 #Toghun Temür Ukhaatu Khan of the Mongol Yuan Dynasty (惠宗 Huìzōng), who reigned from 1333 to 1370 …   Wikipedia

  • Huizong — (in unterschiedlichen chinesischen Schriftzeichen) war der Tempelname mehrerer chinesischer Kaiser, u. a. von Song Huizong aus der Nördlichen Song Dynastie und von Yuan Huizong, auch bekannt als Toghan Timur, einem Kaiser der mongolischen Yuan… …   Deutsch Wikipedia

  • Huizong — Song Huizong Portrait de l empereur Huizong Huizong (2 novembre 1082 4 juin 1135), empereur chinois du 8 février 1100 au 18 janvier 1126, le huitième de la dynastie Song, il fut un grand peintre de fleurs et d oiseaux. Il se lance à la reconquête …   Wikipédia en Français

  • Huizong — or Hui tsung or Song Huizong orig. Zhao Ji born 1082 died 1135 Penultimate emperor of the Northern Song dynasty in China. A painter and calligrapher, Huizong preferred the arts to government. He urged the painters in his academy to be extremely… …   Universalium

  • Huizong — o Hui tsung o Song Huizong orig. Zhao Ji (1082–1135). Penúltimo emperador de la dinastía Song del norte de China. Pintor y calígrafo, prefirió dedicarse a las artes más que a gobernar. Instó a los pintores de su academia a reflejar rigurosamente… …   Enciclopedia Universal

  • Huizong-Lamakloster — Das Huizong Lamakloster (chinesisch 彙宗寺 / 汇宗寺 Huizong si; mongol. Köke süme/Khökh süm; engl. Huizong Lamasery, Huizong Temple, Huizong Monastery usw.)[1] im Kreis Duolun des Xilin Gol Bundes, Innere Mongolei, Volksrepublik… …   Deutsch Wikipedia

  • Huizong (Song) — Song Huizong Portrait de l empereur Huizong Huizong (2 novembre 1082 4 juin 1135), empereur chinois du 8 février 1100 au 18 janvier 1126, le huitième de la dynastie Song, il fut un grand peintre de fleurs et d oiseaux. Il se lance à la reconquête …   Wikipédia en Français

  • Song-Kaiser Huizong — Sòng Huīzōng (宋徽宗)) Familienname: Zhào (趙) Vorname: Jí 佶) Großjährigkeitsname (Zi): Großjährigk …   Deutsch Wikipedia

  • Song Huizong — Sòng Huīzōng (宋徽宗)) Familienname: Zhào (趙) Vorname: Jí 佶) Postumer Titel …   Deutsch Wikipedia

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”